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samedi 10 mars 2012

Les Khmers Rouges et l’histoire cambodgienne

Hello
Ce message sur le thème sans doute le plus difficile quand on passe ou vit au Cambodge, son Histoire et notamment les années 70, 80 et 90, qui ont laissé des traces indélébiles dans la vie du peuple cambodgien. Beaucoup connaissent et c'est facile d'avoir des infos, donc je vais essayer de résumer au mieux, mais ça risque quand même de donner un long message… Ne lisez que si le sujet vous intéresse ! Je vais aussi éviter des photos trop dures (crânes, charniers, dessins de torture…) pour les petits qui regardent ce blog.

Un peu d’histoire (j’espère ne pas faire trop de raccourcis)
Le Cambodge a connu son apogée il y a très longtemps (IXè au XIVe s) lorsque le royaume khmer régnait sur la région (Angkor en étant le plus bel héritage). Mais ensuite, le pays a souffert face à ses voisins notamment Thaïlandais et Vietnamiens, avec qui il était souvent en conflit.
Déjà présents au Vietnam, les Français sont arrivés au Cambodge au milieu du 19e notamment pour « protéger » le Cambodge face aux ambitions thaïlandaises. Tout comme au Laos, les Français ne feront pas grand chose ici, le pays étant compliqué et son développement pas une priorité.  Déjà touché par de gros conflits internes, le Cambodge obtient son indépendance en 1953 alors que la France s’enlise dans la guerre d’Indochine, et que la Guerre Froide bat son plein. Les années suivantes, le Cambodge sera « victime » de cette Guerre Froide, la géopolitique dictant les décisions, au détriment des intérêts des populations.
Tandis que les Américains sont entrés en guerre avec le Vietnam suite à la défaite française, Sihanouk se positionne pour la neutralité, puis se range du côté nord-vietnamien, contre les Américains. L’opposition interne grandit et Sihanouk finit par être renversé par Lon Nol en 1970, soutenu par les US. De nombreux communistes Vietnamiens sont entre temps entrés au Cambodge et la résistance au pouvoir est forte… Sihanouk s'est lui réfugié en Chine et se rapproche d’un mouvement communiste grandissant au Cambodge, les Khmers Rouges.  Bref, la situation était très compliquée et les Américains et Sud Vietnamiens finirent par s’attaquer au Cambodge qui servait un peu de base arrière aux communistes Nord-Vietnamien soutenus par les Russess. Cette période fut marquée par de nombreux massacres, et tout comme au Laos par des d’intenses bombardements américains qui tuèrent sans doute des centaines de milliers de personnes et laissèrent le pays miné de bombes… La cruauté Khmère rouge prit là sans doute une partie de ses racines.

Les Khmers Rouges
Les luttes intestines étaient terribles et les Khmères Rouges finirent par renverser Lon Nol et prendre PP en 1975,  quasiment en même temps que la défaite américaine au Vietnam. Commença alors le terrible régime Khmer Rouge qui dura moins de 4 ans. Cette cruelle période Khmère Rouge est malheureusement connue de tous, et j’ai l’impression qu’elle fait un peu oublier les autres drames et les guerres dont a été victime la population khmère (avant et après le régime KR).
L’arrivée des KR à PP fut accueillie avec joie par la population qui déchanta très vite. En quelques jours les KR vidèrent littéralement PP pour envoyer la population à la campagne. Les intellectuels étaient d’office considérés comme ennemis du peuple et beaucoup furent exécutés, tout comme les partisans de l’opposition. Alors que le peuple était « purifié », toute la population travaillait aux champs sous un joug tyrannique. Les familles étaient séparées, les couples interdits… Vous ne serez pas surpris de ne pas voir beaucoup de gens de mon âge ici, cette génération a été sacrifiée… On estime à plus de 2 millions le nombre de victimes du régime KR, exécutés ou victimes de famine, de maladies non soignées… L’Angkar ("L’Organisation" KR) avait privé les Cambodgiens de tout : famille, propriété privée, culture, nourriture, religion…
Outre la littérature abondante à ce sujet (par ex Le Portail de Bizot, qui raconte sa relation particulière avec Duch après la prise de PP), le cinéma et en particulier les films de Rithy Panh sont de poignants témoignages de cet épisode KR. S-21, Duch ou le maître des forges de l’enfer, Bophana…, tous ces films racontent simplement ce que les Cambodgiens ont vécu. C’est très dur donc âmes sensibles s’abstenir… Plus abordable mais dur quand même : La Déchirure de R. Joffe.
2 lieux à PP retracent cette période et sont parmi les plus visités du pays : le musée Tuol Sleng, plus connu sous le nom de prison S-21, et les Killings Fields, champs de la mort.

S-21 fut une ancienne école transformée en prison. En plein PP, elle est aujourd’hui conservée quasi en l’état. On y voit les salles de torture, les cellules construites dans les salles de classe. Egalement les photos des milliers de Cambodgiens passés par S-21 dont seulement 7 survécurent… Duch, dont l’appel du procès très médiatisé vient d’avoir lieu,  était le chef de la prison. Le film de Rithy Panh sur Douch est un documentaire où en gros Duch reconnaît les atrocités mais nie sa responsabilité, n’étant qu’un rouage de la machine KR qui ne tolérait aucune résistance aux ordres. Bref tu exécutes ou tu meurs…
 
 

Les Killing Fields de Choeung Ek, à une dizaine de km du centre de PP, étaient un des nombreux lieux d’exécution du pays. C’était celui de S-21, et il sert aujourd’hui de musée du génocide, lieu de mémoire et de recueillement où l’histoire est bien racontée. Au milieu du parc a été dressé un monument du souvenir en forme de stupa, où des ossements de victimes de Choeung Ek sont conservés.

Ce sont les Vietnamiens, avec l’appui des Russes, qui mirent fin au règne de Pol Pot et sa clique. En effet même si les 2 pays étaient dirigés par les « communistes », ils ne s’entendaient pas et Pol Pot multipliait les provocations envers cet ennemi héréditaire qui finit par réagir.
Ce qui est difficile à croire mais vrai, c’est que ce régime KR coupé du monde extérieur, dont les exactions étaient pourtant connues, avait un siège à l’ONU et continua à être ensuite reconnu par les grandes puissances occidentales… Les occidentaux continuaient en effet à soutenir les KR (pour affaiblir le Vietnam, membre du Bloc de l’Est pro-russe), et le siège du Cambodge à l’ONU restait occupé par les KR même après leur chute!

Les années 80
La chute des KR ne marqua pas la fin des conflits et des problèmes pour les Cambodgiens. Les Vietnamiens installèrent Hun Sen au pouvoir, celui qui est toujours premier ministre aujourd’hui, mais la paix et la renaissance n’étaient pas encore d’actualité… Famine, fuite vers la Thaïlande où se dressaient des immenses camps de réfugiés, attaques des KR qui étaient aussi soutenus par la Chine, mines qui continuaient d’être posées… le pays restait très dangereux, isolé, et les organisations internationales ne pouvaient pas apporter leur aide qui était pourtant plus que nécessaire. Les Vietnamiens faisaient alors face à de nombreux ennemis internes (les KR, les nationalistes de Lon Nol, les royalistes…) et externes (Américains mais aussi Chinois qui ne voulaient pas que les Russes prennent plus de pouvoir) !
Après le retrait des troupes vietnamiennes en 1989, il fallut attendre 1990 pour qu’un mandat de l’ONU soit enfin accepté par le Conseil de Sécurité et que la paix s’installe.

La reconstruction
Après ces années de pauvreté, de cruauté, de déplacements de population… la reconstruction du pays à partir des années 90 n’a pas été facile. L’ONU a mis en place des élections, des ONGs ont réagi au plus vite (ce fut dans ces années 90 que furent notamment créées Khrousar Thmey, Friends ou PSE), et malgré des tensions toujours vives entre les différents courants ayant provoqué de sérieux incidents (coups d’états, attentats, épisodes de guerre civile), le pays a pu se reconstruire progressivement. Ce n’est vraiment qu’à partir de 1999 que le « calme » est revenu (malgré les débats autour du procès des KR).

En tous cas, même s’il reste beaucoup à faire au Cambodge (notamment lutter contre ce fléau qu'est la corruption qui contribue sans doute à accentuer ces inégalités si visibles, avec une grande richesse côtoyant la grande pauvreté), l'envie de s'éduquer, d'entreprendre, de consommer, de faire la fête, y est sans doute d'autant plus forte que le souvenir des terribles décennies est là... Ce pays a beaucoup d’atouts et j’ai l’impression qu’il a déjà bien évolué depuis mon premier passage il y a 5 ans…